« La médecine occidentale continue de ranger d’un côté les organes, de l’autre la pensée. Mais le corps a disparu » (Bruno Falissard). Aussi l'ancrage des chairs internes et externes. C'était l'enfance: comme si ces tissus ignoraient le mal, la douleur et la violence pour développer d'eux-mêmes une vie supérieure... Sexe, haine et plaisir fondus, mais sans aucun uniforme, le désir de s’élever au-dessus des choses et de traverser les mers, mais "dès la fin de la seconde guerre mondiale, le continent à bout de souffle où nous vivons encore" (M. Riboulet, Entre les deux il n'y a rien, 2015)...
Ceux qui survivent aux pires crimes sont condamnés à les réparer
Saint-Just (1767-1794)
Cette violence qui fascine de sa "dernière fois" béate et cosmique. Eau de forte. Diagonale continue du sexe et des luttes. "Entre les deux", entre sexe et politique, entre stalinisme et nazisme, entre paix et violence, entre esthétisme et génération, entre le problème et la solution -on fait partie du problème ou de la solution- entre les deux il n'y a rien, sur le moment on le ressent bien, après c'est une question de degré d'étouffement. Guerre, résistance, terrorisme, délinquance. Des Renards pâles qui seraient tous pédés; on n'entend pas les autres chanter.
On hérite des infamies du siècle. Ca sort de la fumée des crématoires, des diverses résistances nationales, bien sûr des collaborations. Tous industrialisés, tous compétiteurs. Circulent non pas dans l'idéologie, mais dans leur flux discret de l'"économie libre". A croire que le plaisir ne pourrait plus venir que d'une autre planète... que ça ne sert plus à rien d'écrire dans les marges... Pour l'heure 1967-1978, ces failles de violence qui tentent, qui seront étouffées par la "paix" du consumérisme. L'enfant, alors: fascination pour les ruines de guerre en temps de paix. En août 72 aussi, j'étais à Munich, en septembre on a dû nous éviter les informations, chut, chut, chut... Merde ! On peut être étouffé sans trop en souffrir sur le coup. Normalement, étudiants de 1ère ou 2ème année, on est rebelle, il faut un peu d'obscénité pour être vivants, pour de la vraie politique; les lieux où quelque chose manque sont des lieux où l'on sombre. Auschwitz est au rebord de la perte.
Alors le SIDA débarque, les débarque de la jouissance. Si on ne peut plus déposer la souffrance, ou donc iront ces forces ? Potes-culs, une litanie de revenants à la Volodine, tout s'érigera sexe, un instant, un jour, danses macabres avant même que de n'être né, bardo, le HIV en arme, sacré télescopage, les yeux de son Martin parlent encore croit-il, le télescopage des violences ne fait qu'augmenter la nature de l'événement: l'absence de sens. Entre les deux... est bien un livre du manque, Auschwitz est l'absence de sexe, la raison n'est d'aucun secours, lieux inconscient, la chute du mur ne règle rien. On aurait dû, au minimum, tout repenser, ensemble avec les morts (...) Refermé sur nos os en mai 45. A quel endroit au juste les choses se sont-elles rétrécies ici ? Tension exacte du corps à ces instants de crise: quand était-ce ? Une vérité: l'assassinat des fils par les pères. Act-Up reprend la violence, légale. On croit se lasser de ses ébats, de cette charge virale, qui, pourtant, incarne.