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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 13:56
Ville et migration : de l'humanitaire vers l'humanisme à Grande-Synthe

notes et réflexions autour de la

Convention nationale sur l'accueil et les migrations

1er et 2 mars 2018

Grande-Synthe

 

 

La migration n'est pas qu'une énergie de survie, elle est constitutive de l'espèce humaine depuis ses débuts, mais l'homme est doté de capacités biologiques d'adaptation telles qu' il est la seule espèce animale à avoir réussi à s'implanter sur toute la planète. La soit-disant « crise » migratoire est constitutive du monde, mais il y a bien actuellement, depuis 2015, une crise de l'accueil, suite aux conflits liés aux tentatives démocratiques au Proche et Moyen-Orient, sur fond de populismes xénophobes européens. Les Européens, anciens premiers de cordée, voudraient couper la corde, construire des murs, cacher la migration sous la mer et dans les déserts... Des contrats financiers mafieux sont noués avec des bandes armées en Lybie pour « externaliser » jusqu'à la demande d'asile... Cette « crise » nécessite un engagement politique et intellectuel autour du destin commun de l'humanité; l'engagement citoyen, lui, s'est déjà manifesté.

 

« Nous sommes dans des limbes », m'explique ce journaliste réfugié

à qui l'on refuse par exemple l'ouverture d'un compte en banque

qui lui permettrait d'accepter un travail...

 

 

 

L'externalisation de la migration par l'UE- « forteresse »

Les dirigeants du modèle national et sédentaire tentent d' « externaliser », de rendre invisible le phénomène migratoire, ce moteur de base de l'humanité. En France, l'immigration a façonné la nation mais l'étranger est construit pour l'opinion en problème national, en prêt-à-penser d'une migration qui serait élément négatif... L'accueil institutionnel a toujours été répressif, voire inhumain... (cf. républicains Espagnols, Vietnamiens, Harkis, travailleurs immigrés, etc...). Aujourd'hui la France accueille 3 fois moins de demandeurs d'asile en % que la moyenne de l'UE. L'UE elle-même « dubline » plutôt que de délivrer des visas humanitaires aux réfugiés... (un tel visa aurait pourtant permis de contrer les réseaux de passeurs, et de sauver nombre de vies en mer...). L'UE construit des « hotspots », centres de « triage » externalisés sur le modèle militaro-humanitaire, et est sur le point d'inventer le « dublinage de type 4 » qui permettra le maintien ou le renvoi hors UE des exilés... Les droits humains vitaux, de base, de l'humanitaire d'hier (toit, nourriture, santé, etc...) ne sont même plus assurés à ces refoulés des limbes ; et les murs que l'on dit nous protéger d'une menace extérieure ne signalent qu'en interne une identité immobile et qui s'appauvrit de cet isolement.

 

 

 

La citoyenneté est cosmopolite, les frontières plaies des nations

Comment évoluer vers un monde transhumant, panhumain, cosmopolite et dynamique, après cette phase récente (XIXè/XXè) de l'enfermement national dans des frontières issues de conflits ? Cela passe par un respect, déjà, du droit à quitter son pays énoncé par la Convention Internationale des Droits de l'Homme ! Pour cela les frontières doivent devenir des dispositifs permettant de changer de phase de vie (une « épaisseur », dit M. Agier), et non des lignes ou pire des murs à fonction unique de contrôle.

 

Les villes sont certainement le lieu où il est possible d'évoluer entre un ciment étatique de l'hostilité, relayé par beaucoup d'hommes politiques - dont la fonction est... dépendante de la structure étatique - et un ciment social citoyen de l'accueil ! Dans le système jacobin français actuel, les villes sont cependant peu autonomes par rapport à l'état... Et ce dernier théorise une illégalité de l'accueil citoyen... L'étranger au territoire étatique tend à être dit étranger culturel, étranger de couleur... mais les accueils citoyens montrent l'immatérialité de ces barrières construites ; la tentative de ces journées est de mettre en réseau les actions d'accueil, dans une transversale de citoyens et d'élus qui s'opposerait aux territoires politiques pyramidaux. La migration est une chance pour l'élaboration d'une nouvelle société cosmopolite, plus riche et plus complexe... si l'on se donne la peine d'intégrer le point de vue des migrants (objectif semble-t-il de la prochaine convention, les migrants étant peu représentés ces trois jours).

 

 

Ouvrir des villes-mondes, villes nouvelles en Europe

La ville doit s'organiser pour permettre l'hébergement digne des migrants; mais toute l'énergie constructive apportée par les migrants doit aussi être prise en compte, et cet aspect important manque dans le point 5 du manifeste. Il y a en effet des dynamiques solidaires, originales et constructives, au sein des encampements, où sévit aussi, mais pas uniquement, la violence. Dans la "Jungle" de Calais par exemple, d'extraordinaires initiatives avaient été prises par les migrants (restauration, activités sociales, commerce, etc...) qui auraient pu, dans un contexte municipal intelligent, déboucher sur un quartier "New-Calais" de la ville, futur pôle d'attraction international (multiculturel, gastronomique, commercial,... et anglophone ce qui aurait attiré de nombreux visiteurs étrangers). Dans ce monde qui sera de plus en plus en mouvement, et circulaire, il faudrait construite les villes "ouvertes" de demain en partenariat avec les flux qui les traversent, et pas seulement en partant du point de vue des "sédentaires". Plutôt que de se « limiter » au développement de villes durables ouvertes aux migrants, ne faut-il pas réhabiliter l'énergie migratoire ? Tout le monde gagnera à l"utiliser", plutôt que de la contenir, ou même simplement de se contenter d'accueillir humainement. Les migrants souhaitent construire un projet de vie, associons nos projets !

 

Une membre d'une association : « Ça bouillonnait, à La Linière,

il n'y avait pas de recettes, mais une co-construction d'une société »

 

 

 

Il s'agit bien, comme le montre l'expérience de Grande-Synthe et des autres communes qui ont pensé positivement l'accueil des migrants, et celle de tous les collectifs citoyens qui travaillent à un accueil digne et participatif en Europe, d'assurer aussi la resocialisation des populations en difficulté dans « nos » villes (jeunes en recherche de motivation dans la société, personnes âgées, etc...) par l'accueil des migrants ; la justice envers les plus démunis, le respect des droits des populations migrantes, renforcent par là-même le bien-être de la population générale en inventant de nouvelles solidarités, de nouvelles initiatives qui émergent de la population elle-même ; on va alors vers de l'humanisme par le renforcement du lien social, et plus simplement de l'humanitaire (qui ne fait « que » préserver les besoins de base de la partie sacrifiée d'une population dans les situations de conflits ou autres catastrophes). La migration est elle un phénomène ancien, durable, non catastrophique intrinsèquement, moteur d'innovations sociales depuis l'aube de l'humanité.

 

 

 

La société a toujours un temps d'avance sur les institutions. Les droits de l'homme (liberté, égalité, etc...) sont le projet en marche du post-humanitaire, ce monde d'espaces ouverts – dont les villes – où il n'y aura plus « d'autres du territoire ». Le cosmopolitisme, c'est la légitimité de chacun en n'importe quel point de la terre ; il doit à nouveau être porté par l'Europe, qui fut initialement cet espace singulier démocratique post-guerre, et projet supragouvernemental. La migration, son énergie, ses espoirs, appellent à une transformation, un déplacement de la façon de penser la ville. La migration et son énergie sont des atouts et des partenaires dans le nécessaire rapport de force de la cité ouverte à l'état-frontière ; l'état uniformise la pensée, les exilés la dynamisent. L'ouverture des frontières est un projet positif, tandis que le clivage croissant entre une jet-set mondialisée et ses laissés pour compte, migrants ou précaires dans ce système économique actuel, est lui un projet d'effondrement.

 

 

 

 

Pistes de réflexion : développer un droit cosmopolitique (Kant)

 

« le droit cosmopolitique (...) est un état juridique à construire, emportant le devoir de renoncer aux politiques de puissance conquérante ou colonialiste et à ce qui les fonde : armées permanentes, pouvoir exécutif hégémonique, économie de domination des nations commerçantes de l'Europe en particulier. Se dégage alors un droit d'hospitalité conçu par Kant comme un droit de visite qui appartient à tout être humain, mais qui ne saurait être confondu avec les pratiques dangereuses d'une appropriation du sol, des richesses ou des habitants »

 

 

 

 

 

 

 

 

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