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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 17:10
Vercors, Le silence de la mer

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Et peut-être aussi quelque chose comme une place de village de cette époque, si proche et lointaine, où l'on montait encore aux mats de cocagne. Il en restait tous les petits drapeaux triangulaires de couleurs simples et vives, irradiant aux quatre coins du monde. Des familles venaient là et déchargeaient leur âme à la brouette, des enfants campaient dans leur monde et ne se posaient pas la question de l'adulte. L'adulte avait dû vivre là plusieurs vies. Depuis le souci unique, aux pires jour du désastre, qu'avait eut un chef indigne de préparer les voies de son ambition. Tu rêves en temps de paix. Tu manges sans inquiétude. Tout est ouvert, mais peu le savent, endormis, et ça tu voudrais le crier. Mais tu ne cries qu'entre les murs déjà brûlés d'hier, tu reviens dans la maison flamboyante de rien de l'enfance, tu attends que tes propres enfants reviennent eux aussi à leurs dix-sept ans. Tu attends car tu sais que le temps jouera pour ce monde que tu cherches en perdant. Comme d'un amour l'autre tu sens un chemin. Comme d'une élection l'autre les journalistes n'annonceront pas le matin brun que tu redoutes, mais tu nous sais tous prisonniers déjà. Quatre canetons fanfarons et candides parodient assez bien ce qu'il y a de pire dans les sentiments des hommes en groupe, comme aussi ce qu'il y a de meilleur en eux. (...) Au fond, j'aime mieux le mystère. Il tombait bien, ce livre, déniché à la brocante, après Marseille année 40 et son miroir D'un château l'autre. Quelques hommes, un réseau qui se trame, des mailles parfois ouvertes et parfois fermées. Et puis il fallait se décider vite, l'eau montait... et pourtant beaucoup fermaient les yeux... le souci unique de soi... mais j'ai retrouvé Mary Jayne depuis, sur le grand escalier de la gare Saint Charles... et peut être avec elle la Cause... Cette ambiance amoureuse au sud de moi, ces tensions entre hommes et femmes en direct; ici, avec Vercors, c'est beaucoup plus masculin, ce serait presque dans l'enfance, où coule quelque chose en direct. Une cause commune. L'amour est-il souci unique de soi ?... Années 40... « Mais qui parle ? » se demande-t-on à chaque chapître commençant... se passer de main en main un fragile flambeau pendant près de 1000 ans... « Nous en sortirons »... Ce fut comme lorsqu'on voit la reliure d'un livre que l'on connaît bien. Un homme jeune. Un vieil homme. Un jeune père. Retour à l'homme jeune sans doute, songe, souvenir, puis une histoire. Au dernier chapître, on ne sait pas bien.

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20 février 2009 5 20 /02 /février /2009 16:13

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Ghats sur le Rhône, Arles
 
 
Marie-Madeleine, circum-navigation de la chair
 
Mais vous-l'ai-je déjà dit ? Ce blog - car ce n'est qu'un blog - mais circule en moi autant que j'erre en lui...: ça a débuté en Basilique, et le Basilix, ce "certain regard" qui venait de la promenade1 mais tirait vers la secte2 et autant de princesses.  Un centre, ici. Mais je retrouvai la porte d'entrée des pèlerins, en sortant, donc. Entre-temps, entre-temps, j'avais trouvé une ligne directe de lumière entre Vézelay et Arles, je n'étais donc pas si loin ici de mon vieux-port: Marie-Madeleine, celle qui est la joie de la chair, chair réhabilitée par son Christ, Marie-Madeleine débarqua, ou plutôt, respectons donc un peu le dogme, "fut rejetée à terre après une longue errance en mer", Marie-Madeleine ainsi purifiée accosta aux Saintes-Marie-de-la-Mer, ce point de mire, en plein delta, ce point de devenir en densité de nomades à venir là, d'à-peine-tolérables aujourd'hui en la forteresse "Europe",  tous les passants, navigateurs des terres, "gens du voyage". Et se terra bien vite en la Sainte-Baume, t'en souviens-tu, mon Centre ? Cette terre haute derrière tes calanques de Marseille, et que j'aimais. Et mourut en dignité, en très sainte dignité. Vers l'an 800, reliques furent questées et collectées par les moines de Vézelay. CQFD. Aujourd'hui je retrouvai le rocher en la crypte, les os de Madeleine, Madeleine plutôt que l'appel à la croisade et sa pente magnifique de sangs mêlés, et retours vers la mer, terreurs. Quiétude grand-aviculaire paternelle plutôt que sabre phallique maternel3.









 
Tous les navigateurs des terres viennent de l'Inde

 
Sarah-la-Kali4 ("Sara la noire") émanerait de la déesse indienne Kâli (Bhadrakali, Uma, Durga, et Syama).
Hypothèse de la provenance indienne des Roms vers le  IXé siècle. Sarah devient une manifestation syncrétique et christianisée de Kali... Durga, autre nom de Kali, déesse de la création, de la maladie et de la mort, pourvue d'un visage noir, est aussi immergée dans l'eau, comme Sarah lors de la fête des gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer,  tous les ans en Inde...7

Dans Tziganes5, on peut ainsi lire: L'un des premiers membres de notre peuple à recevoir la première Révélation fut Sarah la Kali. Elle était de naissance noble et dirigeait sa tribu sur les rives du Rhône. Elle connaissait les secrets qui lui avaient été transmis... Les Roms à cette période pratiquaient une religion polythéiste, et une fois par an ils portaient sur leurs épaules la statue d' Ishtar (déesse sumérienne) et allaient dans la mer pour y recevoir sa bénédiction. Un jour, Sarah eut une vision qui l'informa que les saintes présentes à la mort de Jésus allaient venir, et qu'elle devait les aider. Sarah les vit arriver sur leur embarcation. La mer était agitée, et le bateau menaçait de se renverser. Marie Salomé jeta son manteau sur les vagues et, l'utilisant comme un radeau, Sarah flotta vers les saintes et les aida à atteindre la terre ferme par la prière.


 
Le retour du refoulé - par mer -  à Marseille
 

L'univers du silence poétique de Rimbaud est entre sa rupture avec Verlaine et sa mort à Marseille, en 1891. Dans ce silence, il fit passer "un verbe poétique accessible, un jour ou l'autre, à tous les sens", et depuis ce "rebelle enfantin et absolu", comme l'appela Pasolini, "tout poète deviendra un scandale accepté par l'élite cultivée"6. Rimbaud, de retour de son Orient lui-aussi, ne descendit pas les ghats majestueux de la gare Saint Charles, il ne pouvait plus marcher, jambe gangrénée, et c'est la mer qui l'amena.



 
Jonction.
Entre Les Saintes-Maries-de-la-Mer, Arles et Marseille, naviguent l'Orient, l'Inde, la Poésie et la Femme.



A la consultation "Rimbaud" de l'hôpital de la Conception, Marseille, dédiée au patient cosmopolitisme, un gitan me salue d'un très beau "Namaste"...


1. Edith de la Héronnière, biographe de Teilhard de Chardin, spiritualiste de Vézelay, promeneuse en analyse aussi: Promenade parmi les tons voisins, le livre déniché il y a dix jours et qui m'a dit de venir ici aujourd'hui.
2. De la Maison du visiteur à Et si la beauté pouvait sauver le monde ?

3. Habile analogie avec mon attirance pour ma lignée paternelle par sa représentante féminine (Madeleine, ma grand-tante, et fille de Constant Tétin) plutôt qu'avec la maternelle et son Colonel Brédart pourfendeur au sabre clair des insurgés de la Commune, au Havre...
4. lien vers Wikipedia (Sainte Sarah)
5. Franz de Ville, Tziganes, Bruxelles, 1955
6. Rimbaud, "rebelle enfantin et absolu", R. de Ceccatty, Le Monde des livres, 20 février 2009
7.
Sarah la noire rappelle aussi le culte de la vierge noire, avec qui elle est parfois confondue, et qui serait une persistance de cultes occidentaux pré-chétiens de  déesses-mères, plus ou moins réactivée par les incursions orientales des croisés (selon certains historiens, la vierge noire du Puy-en-Velay, détruite à la Révolution, était une effigie de la déesse Isis).

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21 décembre 2008 7 21 /12 /décembre /2008 13:56
Albert Londres, Marseille, Porte du Sud, Arléa, Paris, 2008.
Claude McKay, Banjo, André Dimanche, 1999
(Notes de lecture; les citations sont de A.L.;
cliché copyright Alcoodoc)


Il y a les sédentaires de Marseille
et puis le flot des nomades qui va de la gare au port et du port à la gare.
Si vous ne faites partie ni des sédentaires ni du flot, vous n'êtes plus rien.
Vous êtes le badaud.
Vous gênez la circulation.



On est nu à la plage. Ici on se couvre et on s'étoffe et on se charge, de soi et de l'autre, de peaux multiples, de peaux au plus-profond, aussi. La main posée sur le genou, le téléphone dans la main, le sourire à l'oreillette, le voyagé à l'extérieur. Le passager, lui, devait d'abord découvrir sa cabine. Aujourd'hui on troupe, on plage, on surfe, on espèce et on n'espère plus. Seuls les missionnaires ne reviendront pas. Ne reviendront pas. Ils sont au bout du quai des secondes.


Hôtel des émigrants, rue Fauchier.
Ils ne ressemblent pas à tout le monde.
 La décision qu'ils ont prise les marque.



Le grand détatoueur en psychanalyste. Cet "Amour pour la vie" qui part dans une croûte, qui tombera, une peau sans nom inscrit à nouveau. Il rachète, à prix réduit, les péchés des hommes. C'est bon un café au soleil. Apre-chaud. J'ai été détatoué à Marseille.

Un jour je me suis retrouvé du côté du sanglot, mais ce n'est pas exactement cette image qui vient de circuler, repassera sans doute, bleue ou foudroyante, mais s'incarnera, autour d'un orifice l'autre. Il y avait dépit et évidence et possible: on était bien autour d'un centre. Revenons au port. Là où il y a la distance réglementaire. On a des bonnes manières quand la vie ailleurs permet de garder ses distances. Au guichet de la poste, inutile d'être gentil si on souhaite une réponse: on est sur une seule file, poids à tarifer, un cachet sur toute opération.


A bord, les jours n'ont aucune valeur personnelle.
(En mer), la vie courante des passagères
 est ce qui fait l'extraordinaire des autres vies.



1926. Epaves continentales ou transatlantiques, héros migratoires (Banjo et autres). Entre, des caïds et des petites frappes. Il n'est point d'autochtones depuis 2500 ans à Marseille. Est Marseillais qui est là.


Elles sont à Marseille uniquement parce que Marseille est un port
 et que tout ce qui est balloté finit par arriver là.




Londres a tout vu, mais tout manqué ? Il n'y a pas de femmes dans sa Porte du Sud... Marseille n'est sans doute pas océanique ? Marseille ne jouirait que par fragments ? Car Marseille est un port, pas une ville. Albert Londres dit peut-être vrai. Dans Banjo, il y en a qui dansent, mais ici, on rêve par manque de domicile. Seul le sédentaire aurait droit à partager l'orgasme ? Le marin ne chercherait que des fragments d'autre ? Celà doit faire une étonnante somme de rêves que tous les rêves qui se poursuivent ici, dans l'ailleurs de tous. Le peuple des mers s'offre la femme qui lui plait, déclare-t-il enfin, entre deux musiques d'oubli. Amour de sa place natale. Le corps féminin apparaît enfin - en fin- mais sans femme, kaléidoscopique, dissocié, une crinière, un sein, tous les fantômes, un quelque chose qui tente de prendre corps, dans le vide matériel des nuits et des jours des navigateurs. Ils errent dans ce cloaque.

Le tunnel du Rove qui relie la Méditerranée à l'étang de Berre, et qui, faisant celà, relie Marseille au Rhône, c'est-à-dire à la Suisse, à l'Allemagne, et, que sais-je ?  au Danemark, peut-être ? Si bien que, tout en restant porte du Sud, Marseille est maintenant porte du Nord...Prête au renversement... Année 40 (prononcer "liberté"). Out.




Tout homme qui a passé une partie de sa vie à contempler la mer,
 la houle qui monte et se fait femme,
appartient à jamais à un autre univers


Saint-John Perse, cité par
A. Brincourt

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19 décembre 2008 5 19 /12 /décembre /2008 17:36

C'est comme Goa avant la nuit.

Comme le bleu de Klein.
Le grand bleu, derrière la vitre.
Passent les pas balladés.
Au loin, pas si loin, les îles.
Les corps prennent le bleu.
Fiers et seuls, une vitre.
La mer est libre.
Les âmes au vert, racines, aériennes.
Parole rare.
Deux s'embrassent, l'univers glisse.
Un saut, eau, rocs et sable.
Quelques instants de soleil un groupe des voix.
Et tout repasse recalme relisse.
Plat, plane, avance.
Un palmier immobilise le monde.
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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 14:05



Un cadre
        Echecs à coups secs
En tables
En bancs lisboètes
Mais à l'endroit et dedans
Rouge Bordeaux
De quoi parle-t-elle ?
Ici pour être
Seul en social
Parce qu'elle loin
Parce que ici et passés ils écrivirent
                     Et l'Eloignement
                     Truchement toujours impossible
Et la femme mince et bleue hydrique corps qui s'offre
Elle action et don entier
Lui, attentif un peu loin
Elle s'agrippe à ses cheveux
Va-t-il la saisir ?
En sa vie ?
Lui prend sa cuisse
Mais droite et de sa main droite
En bas, Amour
             Sexe
          Eprise
          Etreinte
En haut
          Offrande
          Tendresse
Deux corps-lignes comment les réunissent ?
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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 21:13
L'immigré est devenu pour la nation l'avant-garde d'une culture incompatible, l'ennemi qui justifie tous les replis. On pense l'immigré aujourd'hui comme, avant Michel Foucault, on pensait l'aliéné: l'étrange s'est reporté sur l'étranger.  La discrimination, c'est le génocide organisé de l'autre qui est en nous, génocide inhérent au système technopolitique, "solution finale" toujours à l'oeuvre, exérèse de notre noyau intime d'altérité, nécessaire à notre jeu psychique. L'intégration, c'est l'illusoire négation de la diversité, un intégrisme qui fait l'amalgame entre invasion, circulation et demande d'asile, et qui ne tolère l'autre qu'en victime formatée. Reste un refuge, où l'on travaillerait plus pour penser moins, un système qui, entrée fermée, se collapserait inéluctablement, alors que la migration est une énergie anthropique, et que l'immigré ose les nécessaires ruptures instauratrices1 qui construisent notre avenir.

Parfois j'ai l'impression d'avoir vécu toute une vie (sans y avoir droit)
depuis que j'ai descendu pour la première fois l'escalier monumental
 de la gare Saint-Charles à Marseille.

            Varian Fry2                    


Du train qui l'expulse de France en septembre 1941, Fry écrit à sa femme pour lui annoncer qu'il est devenu un autre, qu'elle ne reconnaîtra plus. Les policiers du régime de Vichy viennent de l'arrêter, lui cet Américain rigoureux, venu initialement à Marseille pour aider l'intelligentsia de l'exil, les opposants au nazisme riches ou célèbres, c'était sa mission, à gagner les Etats-Unis d'Amérique. Une sorte de discrimination positive dans l'aide aux victimes de la barbarie. Fry débordera vite de ce cadre imposé, et aidera des milliers de réfugiés, souvent juifs, de milieux modestes, des gens, des gens simplement en danger (prononcer "liberté"). Et sera "lâché" par son gouvernement. Un homme seul qui marche à contre-courant de son opinion publique et de politiques  inhumaines, dans une aventure où il surmonte ses propres doutes, découvre ses vraies ressources, et parvient à devenir lui-même, au prix d'un "exil en retour" chez ceux qui ne sont plus vraiment les siens. Au début il lui a fallu juger les réfugiés: ils ont dû prouver leur fibre démocratique, leur combat anti-nazi. Un choix et un tri obligé, les Etats-Unis refusant d'accueillir massivement les victimes, ne distillant des visas qu'au compte-goutte. En 2008, la France attribue le statut de réfugié à seulement 10% des demandeurs d'asile, et ce sur des bases imprévisibles. Nous trions. Mais d'où nous viennent nos consignes de tri ? Et que nous refusons-nous à nous-mêmes ? Pourquoi ce fantasme de l'étranger-danger à faire sortir, qui a déplacé l'image de l'indigène-source de main-d'oeuvre, fantasme qui nourrit maintenant nos charters crématoires ?


Le retour de l'absolutisme rend possible des catastrophes
 dont l'ampleur échappe encore à notre imagination.
(Ernst Jünger, Journaux de guerre, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2008)



Marseille s'est retournée en doigt de gant. Le port était "entrant" jusqu'en 1940, capitale des voyageurs, lieu de toutes les tentatives et de tous les échanges. Ce centre devint point de fuite, cul-de-sac des opposants, des communistes, des intellectuels et des juifs. Quelques hommes étaient là contre toute une entreprise raciste. De la décolonisation à la stigmatisation, à la chasse aux non-conformes des  technosociétés.  Immense et splendide cuvette, nostalgie du Sud, de l'origine, de ce noyau d'altérité constitutif du soi, des possibles éclatés. Aujourd'hui une règle s'impose, protectionniste certes, mais obligée. Face à la chasse aux suspects du monde, Marseille à perdu sa position marchande au profit de Dubaï3. L'énergie des  rives de sable attire les nouveaux mondes. Ici nous n'avons plus d'asiles !! Seulement des camps, et bien ancrés en nous encore. Jorge Semprun se demandait si, une fois sorti physiquement du camp, on  était vraiment "dehors"4, mais c'est peut-être le camp qui ne peut pas sortir de notre inconscient... Comme l'exilé laisse toujours un morceau de lui ailleurs, chaque citoyen d'un état qui rouvre des camps y laisse enfermer un morceau de lui même, fait le voyage de l'hospitalité à la frontière, cicatrise à l'aide de cette peau interne en PVC, technopolitiquement attrayante, autonettoyante, qui coagule la pensée. Ou comment les frontières nationalistes, sociales, exacerbées par la stigmatisation de l'autre, font régresser notre système immunitaire, paradigme de l'adaptation, de l'évolution, et au service du fonctionnement de tout l'organisme, vers une  immunité innée, archaïque, figée, qui se résume à une peau imperméable, qui isole l'ensemble de nos organes, et les fige dans une organisation suicidaire incapable de s'adapter à l'environnement mouvant. Abandonnant l'océan à quelques orques directeurs, nous évoluons vers l'éponge, colonie de clones. Tranquillement. Jusqu'à l'insupportable de l'identité...


Seule l'économie est mondialisée. Notre monde est discret au sens mathématique du terme, composé de blocs culturels discontinus, juxtaposés, coexistants, et non nécessairement synchrones. Certains tentent des sauts entre ces blocs, risquent la diachronie, sortent de l'illusion de l'identité.  Les événements qui désapproprient, qui investissent l'ordre, sont autant de possibles, de progrès, de nouveaux équilibres.  L'identité rend hommage à un ordre. Penser, au contraire, c'est passer, c'est interroger cet ordre1 . L'immigré abandonnant là-bas un peu de lui-même, assure par son voyage les nécessaires ruptures instauratrices qui pourraient construire notre avenir. Mais sa venue nous fait intrusion, et notre initiation ne se fait pas, mais une fixation à une société qui devient diachrone du reste du monde. La musique classique est riche mais morte, la musique populaire et moderne ne cesse de grandir de la déportation du blues. Le paradoxe du dogme libéral est bien dans la libre circulation des marchandises et la renationalisation des hommes. Le scotome de l'exil que le technopolitiquement correct nous inflige aujourd'hui face à la réalité et à la nécessité de la migration est source de paralysie de nos fonctions vitales, une partie de nous-même est d'ores-et-déjà dans les camps: on a mis des frontières à l'intime. Cependant, pour nous comme pour Varian Fry à Marseille en 1940 (et celà lui apparaissait déjà incompréhensible et inespéré), sous l'incohérence et l'illogisme des mesures officielles, la frontière avec la liberté d'exister s'entrouvre encore certains jours. Alors passons, n'attendons pas d'un stratégique "Grenelle de l'altérité", qui adviendrait sans nous, qu'il nous confisque plus encore discernement et action. Résistons à l'impossible baume de l'idéologie sécuritariste par nos propres tactiques de circulation de l'autre en nous (terreur sécuritaire, racisme d'état, et autres suicides en prison). Aujourd'hui il n'y a plus de passants, mais des passeurs et des passagers: le passeur, et sa figure ambivalente, de celui qui prend le risque de contourner le système, mais pour en retirer un gain; et le passager, en passif du technopolotique normatif. Redevenons passants, cette figure mouvante du chemin5, dont le Moi est acte volontaire et gratuit d'évasion. Redifférencier un noyau d'altérité, siège des défenses au cancer technopolitique, faire fonctionner notre lieu dans le lieu de l'autre, en autant de tactiques subversives, ou bien se laisser rééduquer à la norme marchande: le défi de l'étranger n'est pas le "problème" qu'on nous assène.


C'est une invitation à l'après, à ce que l'on peut espérer ou ce que l'on regrette
 quand on laisse un morceau de soi derrière.

(Dinaw Mengestu, Les belles choses que porte le ciel, Albin Michel, 2007)


Every heart,
every heart to love will come

But like a refugee
Leonard Cohen




1. Michel de Certeau, L'écriture de l'histoire, Gallimard, 1975
2. Varian Fry, Surrender on demand, 1945 (réédité en français: Livrer sur demande, Agore, 2008)
3. Voyages du développement, Emigration, commerce, exil. Sous la direction de Fariba Adelkhah et Jean-François Bayart. Karthala, 2008.
4. Jorge Semprun, Le mort qu'il faut, Gallimard, 2002
5. Les chemins de Nietzsche (où Dieu est mort), comme ceux de de Certeau (jésuite et historien de la mystique), font l'affaire.

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8 décembre 2008 1 08 /12 /décembre /2008 14:17
Varian Fry


C'est fini hier, et pourtant c'était bien un noeud à atteindre, patiemment prévu, au cours justement imprévisible d'improbables fils. "Seule chance, soyez à la Halle à 10h00 précises". J'y étais. "Marseille, bredouillè-je". "Prenez tout votre temps". Comme les montagnards Afghans s'adressant aux soldats français de l'OTAN: "Vous, vous avez des montres; mais nous, nous avons le temps". Comme celà je l'ai pris. Dix heures précises, me répéta-t-elle au plus sérieux à 10h15, l'attendue. Surréalistes à Air-Bel, comme autant de dessins à la plume sur papier d'école de mon Père. Varian Fry sans doute en figure tutélaire. Les marches de l'escalier majestueux de la gare Saint-Charles. Que de Saints. La Fanette, Yasmina. C'est René Daumal, mon collègue du Grand Jeu, qui a donné l'alerte: appel impromptu de Fry (prononcer frit, mais penser liberté) qui est à Paris jusqu'à hier. J'obtins un rendez-vous, donc, ce matin. Trouver le jeu de Marseille de Breton*, en place de la guerre. Le jeu de la villa Air-Bel. "Art, Honte, et Espoir. Thanks Mr Fry" inscrirai-je sur le livre d'or en sortant. Mary Jane n'était pas là bien évidemment, j'ai bien cherché sur toutes les photos: il y eut donc un tri, par l'un ou l'autre. Plus tard, reviendra. J'ai vécu pourtant à Air-Bel. Mais dans quelle peau ? La catastrophe ne pouvait avoir lieu que ce jour là ouverte-fermée frontière, illogique, surréaliste. Des vies resteront en Pyrénées, d'autres oeuvres passeront.



(1) L'Hôtel Splendide, au pied de l'escalier, où Fry prit une chambre derrière, là où tout a commencé, asile et refus, l'hôtel de Fry jouxte l'Hôtel Beaulieu, mon repaire originel en ce Sud, dont il n'est séparé que par la pierre  d'angle du Little Palace d'alors;

(2) L'artiste Hans Bellner, hors-liste ou pas, fut proche en 1944 à Carcassonne de Joë Bousquet (squelette en quête de ses os) dont il fit un beau portrait, exposé au musée Cantini de Marseille. Bousquet, le corps retourné en doigt de gant et qui percevait l'univers, sans plus de filtre, ces deux là aussi préparaient ce bourgeon d'aujourd'hui, à la fois insensible passage et cristallisation massive. Thanks, Mr Fry;

(3) Jacqueline Lamba est l'ondine de l'Amour Fou... Belle blonde ou châtain ondulée au style déjà années 60. Qui m'ennervait un peu, intrigante, cajolante, beauté un peu forcée... et ces cheveux, surtout, surtout: encore une Jacqueline... Mais preuve tangible, livrée ce matin, pour moi comme pour Breton, et contre les pourfendeurs de la fusion amoureuse. Je trouverai à concilier l'amour fou, les poupées russes, et Toi, Toi à la fois mon Empire et insolente, protégée, refusée-offerte beauté d'âme;

*Jeu de Marseille. Du passé, de ton toujours et de tes passages a surgi un noeud fondamental, multiple et singulier, où tu te rencontres et t'apparais à tes enfants.  "Vous avez eu de la chance, à tout point de vue", me dira encore en sortant la collègue de la conservatrice de l'exposition.


- Varian Fry, La liste noire link
- Mary-Jane Gold, Marseille année 40
- André Breton, L'amour Fou

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6 décembre 2008 6 06 /12 /décembre /2008 23:29



Verre à tribord
Elle se découvrait par le grand large
Mais en rafales
Parfois elle se cache à sa mer
Même l'accent est soufflé
Et son sud en paraît vide
Mais le soir
Résistance des printemps
Et mouvements lents
Revienne le vent

Trois-mats un peu penché
De l'autre côté
Entraîneuses accrochent juste derrière le fil rouge
Des mots et à pied le monde entier
Calanque première
Ici tout reste premier, parce qu' à devenir
A l'heure de tous les reflets sur l'eau les fenêtres s'allument

Ici les passants ont des tronches
De héros sur fond d'horizon
Lecture singulière,
Un bleu unique qui nous rappelle tous en mer
Maintenant
Dos Pasos, Cendrars, Londres, Cohen, Guez Ricord
Impossibilité du quotidien et liberté de la fièvre qui lâche

Au sud d'Eden en passage obligé
D'un sens ou l'autre
Sur les traces de Marie-Madeleine
Plus loin que les clichés de quelques isolés
Cantique

Retour sur le Vieux Port
Mais Marseille est homogène:
Nous sommes bien au même endroit
Point de banlieue ici
Aujourd'hui très peu de place suffit
Malgré vous tous
La ligne fonctionne



texte panopteric, photo alcoodoc
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  • : promenade créative d'un mot l'autre, d'un auteur l'autre, d'une sensation l'autre, en route vers le Réel
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