12 décembre 2008
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G. Deleuze et F. Guattari nous aident à nouveau dans notre quête de la connexion de la vie au minéral ( Ω = log Os). Voici une lecture du chapitre 3 de Mille plateaux, Géologie de la morale, où est développé le concept de strates (base d'une schizo-analyse).

1. Ces strates, énergétiques, physico-chimiques, géologiques, organiques, humaines, ne sont pas séparées les unes des autres, et toutes s'expriment, celles des animaux comme celles des fleuves. Entre les trois grands domaines, minéral, organique, humain, on retrouve une synchronie d'existence et un entrelacement, chez Deleuze, très proche de la triade indianiste concrétion/milieu vital/esprit (l'auteur parle lui de forme/contenu/expression).
Le cristal de glace ou de minéral, approche du vivant, ne se constitue pas, dit-il, sans intérioriser et incorporer des masses de matériel amorphe (on retrouve ici l'eau dans son rôle d'interface entre vivant et organique, baignant ces deux états). La membrane de la cellule des organismes vivants n'est que cristal lipidique forcé sous les seules forces physico-chimiques; les macromolécules organiques (ADN, réserves énergétiques) ne sont que des "cristaux" de CO2 et d'H2O.
Deleuze avance: "L'extérieur et l'intérieur sont l'un comme l'autre intérieurs à la strate donnée": ainsi pour la limite du cristal (strate minérale) ou celle de la cellule (strate organique): composés internes, limite et matériaux externes disponibles appartiennent encore à une même triade fonctionnelle. La recherche de la limite, pour Deleuze, est donc un faux débat, qu'il s'agisse de la limite interne/externe d'un organisme ou de la limite entre deux strates, vivant/inerte. Il faut plutôt considérer deux axes différents d'organisation, l'Oecumène (unité de composition, traversé de "flux absolus"), et le Planomène, qui lui est relatif (animal, groupe chimique, etc...). Dans chaque organisme, composé, intervient cette double articulation, effet de strate traversé d'un flux homogène. Deleuze insiste en déclarant que les strates (minérales, organiques, etc...) ne sont finalement que des résidus par rapport aux flux.
2. Dans la strate organique, c'est la nature de la relation matériaux élémentaires/composés (Deleuze parle de "moléculaire "versus "molaire") qui varie par rapport aux autres strates. La linéarité de l'ADN, cette ligne d'expression (imprégée certes du dogme de l'époque, forgé par F. Jacob, de la théorie informative stricte en génétique, "un gène, une protéine", actuellement remise en question) y est caractéristique de l'autonomie d'expression, de la puissance de reproduction de cette strate: "seul le déterritorialisé" (réduit à une seule dimension) est capable de se reproduire": le vivant, pour son autonomie, doit abandonner des pans de son territoire d'origine, alors que dans les autres strates, "les formes s'établissent à la limite de la dernière couche et du milieu extérieur": ici, il y a imposition de la forme au vivant par lui-même, et, point fondamental, "toutes les couches intérieures du vivant sont topologiquement en contact avec la limite" (pour des notions à la fois savantes et ludiques de topologie, télécharger gratuitement link ). On est bien au-delà du cristal qui lui se voit toujours imposer la troisième dimension, et qui peut continuer à croître même quand son centre s'évide: en d'autres termes, la caractéristique du vivant est la résonance entre le moléculaire et le molaire.
3. Après le minéral et le vivant, le troisième grand groupe de strates, celui de l'"essence humaine", est régi à son tour par une nouvelle distribution entre le contenu et son expression:
(1) Le contenu opère des modifications du monde extérieur ("il est alloplastique et non plus homoplastique"), par la déterritorialisation de la main et son intervention de proche en proche sur les autres strates d'outils;
(2) La forme d'expression devient linguistique et non plus génétique, par l'émission de symboles transmissibles.
Le milieu nerveux cérébral vient de la substrate organique, il constitue la soupe préhumaine où nous baignons nos mains et nos faces, il est articulation contenu/expression. La main, par la bipédie, sort de l'humus, se déterritorialise de l'organique, accélération cruciale par rapport à la substrate organique; l'environnement de l'humain est la clairière défrichée par l'outil plutôt que la forêt (LOKA: clairière blanche, contrepoint du Brahman); une reterritorialisation compensatoire s'opère par le pied (les pieds nus).
Le langage (dont le développement est favorisé par la déterritorialisation des lèvres et des seins corrélée à l'allaitement prolongé) est une linéarité temporelle de signes vocaux, une surlinéarité. Il nécessite la traduction, phénomène inconnu des autres strates (où l'échaffaudage de proche en proche d'une substrate sur l'autre était la règle, comme dans le code génétique). Le langage contient en lui des traces d'autres langues, et le langage représente toutes les autres strates. D'une part il plonge dans toutes les autres strates, jusqu'au minéral; d'autre part cette représentation-nécessité de traduction est l'illusion constitutive de l'homme, qui par le surcodage du langage croit déborder toutes les autres strates... Le langage permet une conception scientifique du monde, par traduction de tous les flux des autres strates, flux qui ne sont plus ressentis directement,... sauf peut-être par les artistes qui font rejaillir du sacré par leur langage (RASA, le suc des poètes)... La traduction permet l'indépendance par rapport aux substances.
... et dans les flux absolus, interstrates, septième vague suggère que l'eau, l'os et les autres minéraux participent sans doute plus intensément que les chaînes carbonées...
...et que dans le langage résident des failles, des interstices ouverts sur l'océanique des mystiques ou le non symbolisable des lacaniens. Comme un septième sens minéral.

1. Ces strates, énergétiques, physico-chimiques, géologiques, organiques, humaines, ne sont pas séparées les unes des autres, et toutes s'expriment, celles des animaux comme celles des fleuves. Entre les trois grands domaines, minéral, organique, humain, on retrouve une synchronie d'existence et un entrelacement, chez Deleuze, très proche de la triade indianiste concrétion/milieu vital/esprit (l'auteur parle lui de forme/contenu/expression).
Le cristal de glace ou de minéral, approche du vivant, ne se constitue pas, dit-il, sans intérioriser et incorporer des masses de matériel amorphe (on retrouve ici l'eau dans son rôle d'interface entre vivant et organique, baignant ces deux états). La membrane de la cellule des organismes vivants n'est que cristal lipidique forcé sous les seules forces physico-chimiques; les macromolécules organiques (ADN, réserves énergétiques) ne sont que des "cristaux" de CO2 et d'H2O.
Deleuze avance: "L'extérieur et l'intérieur sont l'un comme l'autre intérieurs à la strate donnée": ainsi pour la limite du cristal (strate minérale) ou celle de la cellule (strate organique): composés internes, limite et matériaux externes disponibles appartiennent encore à une même triade fonctionnelle. La recherche de la limite, pour Deleuze, est donc un faux débat, qu'il s'agisse de la limite interne/externe d'un organisme ou de la limite entre deux strates, vivant/inerte. Il faut plutôt considérer deux axes différents d'organisation, l'Oecumène (unité de composition, traversé de "flux absolus"), et le Planomène, qui lui est relatif (animal, groupe chimique, etc...). Dans chaque organisme, composé, intervient cette double articulation, effet de strate traversé d'un flux homogène. Deleuze insiste en déclarant que les strates (minérales, organiques, etc...) ne sont finalement que des résidus par rapport aux flux.
2. Dans la strate organique, c'est la nature de la relation matériaux élémentaires/composés (Deleuze parle de "moléculaire "versus "molaire") qui varie par rapport aux autres strates. La linéarité de l'ADN, cette ligne d'expression (imprégée certes du dogme de l'époque, forgé par F. Jacob, de la théorie informative stricte en génétique, "un gène, une protéine", actuellement remise en question) y est caractéristique de l'autonomie d'expression, de la puissance de reproduction de cette strate: "seul le déterritorialisé" (réduit à une seule dimension) est capable de se reproduire": le vivant, pour son autonomie, doit abandonner des pans de son territoire d'origine, alors que dans les autres strates, "les formes s'établissent à la limite de la dernière couche et du milieu extérieur": ici, il y a imposition de la forme au vivant par lui-même, et, point fondamental, "toutes les couches intérieures du vivant sont topologiquement en contact avec la limite" (pour des notions à la fois savantes et ludiques de topologie, télécharger gratuitement link ). On est bien au-delà du cristal qui lui se voit toujours imposer la troisième dimension, et qui peut continuer à croître même quand son centre s'évide: en d'autres termes, la caractéristique du vivant est la résonance entre le moléculaire et le molaire.
3. Après le minéral et le vivant, le troisième grand groupe de strates, celui de l'"essence humaine", est régi à son tour par une nouvelle distribution entre le contenu et son expression:
(1) Le contenu opère des modifications du monde extérieur ("il est alloplastique et non plus homoplastique"), par la déterritorialisation de la main et son intervention de proche en proche sur les autres strates d'outils;
(2) La forme d'expression devient linguistique et non plus génétique, par l'émission de symboles transmissibles.
Le milieu nerveux cérébral vient de la substrate organique, il constitue la soupe préhumaine où nous baignons nos mains et nos faces, il est articulation contenu/expression. La main, par la bipédie, sort de l'humus, se déterritorialise de l'organique, accélération cruciale par rapport à la substrate organique; l'environnement de l'humain est la clairière défrichée par l'outil plutôt que la forêt (LOKA: clairière blanche, contrepoint du Brahman); une reterritorialisation compensatoire s'opère par le pied (les pieds nus).
Le langage (dont le développement est favorisé par la déterritorialisation des lèvres et des seins corrélée à l'allaitement prolongé) est une linéarité temporelle de signes vocaux, une surlinéarité. Il nécessite la traduction, phénomène inconnu des autres strates (où l'échaffaudage de proche en proche d'une substrate sur l'autre était la règle, comme dans le code génétique). Le langage contient en lui des traces d'autres langues, et le langage représente toutes les autres strates. D'une part il plonge dans toutes les autres strates, jusqu'au minéral; d'autre part cette représentation-nécessité de traduction est l'illusion constitutive de l'homme, qui par le surcodage du langage croit déborder toutes les autres strates... Le langage permet une conception scientifique du monde, par traduction de tous les flux des autres strates, flux qui ne sont plus ressentis directement,... sauf peut-être par les artistes qui font rejaillir du sacré par leur langage (RASA, le suc des poètes)... La traduction permet l'indépendance par rapport aux substances.
... et dans les flux absolus, interstrates, septième vague suggère que l'eau, l'os et les autres minéraux participent sans doute plus intensément que les chaînes carbonées...
...et que dans le langage résident des failles, des interstices ouverts sur l'océanique des mystiques ou le non symbolisable des lacaniens. Comme un septième sens minéral.
(A suivre... car les strates ne sont pas le Réel)