Encore cette pâte à effluves à modeler à pleurer à piquer à l'autre ? - A modeler, simplement, cette fois, à rouler d'abord sur la table jaune, en cordons plus malléables -
notes et plagiats autour de R. Bolano, Le secret du mal
Voilà donc le secret du mal1: le trésor que nous ont légué ceux que nous avons cru être nos pères est horrible et triste à la fois: il est empire de la douleur, et nous, en sommes tous pédophiles. Avidité de la jeunesse, en lutte contre la mort, la beauté est jeunesse, l'amour pédophilie, secret de l'enfance, saudade du démon de midi, ce secret de nos pères. Les autres explications de la douleur ne sont que bric-à-brac de vieux meubles empilés formant des couloirs, une espèce de labyrinthe du périssable, de ce qui n'a pas de volonté de durer. Oui, maintenant la clarté de l'écran est au zénith, et compatible encore, et plus que demain, à mes métamatériaux internes. Possession ultime, si tu n'as pas enculé ta maîtresse ou ta fiancée ou ta femme, tu ne l'as pas possédée réellement, en fait: un viol, ou une désastreuse et consolante vie matrimoniale.
Bioy Casares écrit le premier et le meilleur roman fantastique d'Amérique latine. Peau du cauchemar. Lorsque Borges meurt, c'est comme si Merlin mourait. Je pensais, le regardant, que le vieux allait mourir d'un moment à l'autre, et réalisant alors mes idées absurdes, je pensais encore qu'il y aurait à cause de sa mort un raz-de-marée. La littérature vient bien de la peur, elle vient de l'horrible peur d'avoir à travailler dans un bureau (ou à vendre des babioles). Elle vient du désir de respectabilité, qui ne fait que cacher la peur. Je croyais mes aventures finies, je croyais que Géronimo m'avait tout dit dans cette seule et longue rencontre muette en forme de comètes à ratés, je croyais savoir le chaos et tout en attendre, cela arriva en l'an 2005, mais l'annonce s'annonce, comme un fils qui vient, revient. L'orage est bien là où tu croyais le calme obligé; j'ai lu un livre qui était mon autobiographie, ça m'a fait tomber du divan.
Exil du Chili vers le Mexique. On est dans le même camp, et tout le reste est morale sociale, dames patronnesses. La douleur est bien nouvelle classe (ou seule sous-classe), mais classe à la limite déplaçable, et classe contagieuse. Mais chacun est maître de perdre son temps comme il en a envie.
1. R. Bolano, Le secret du mal, Christian Bourgois, 2009
... et que tous deux nous emmenaient dans un Tao de la douleur (Tristia, Melancolia, Exil, ...), seul noeud d'où l'on peut vivre et parler, car "ni l'amour, ni la peur ne nous laisse échapper" (O. Mandelstam). Baudelaire aussi, faisant mine de choisir, décida le spleen en poésie totale, au noeud de toutes les autres: Amour et Ailleurs.
copyright la jolie brunette du bistro d'alco, montpellier
L'ange n'a pas toujours eu des ailes (...). L'ange, ce serait le fantastique quotidien en tant qu'il est lié à la parole (...). C'est une expérience insaisissable, et je crois que finalement on pourraît comparer aujourd'hui l'ange dans la vie quotidienne à cette scène (...): le regard d'une passante, ce choc fulgurant mais non conservable - et en lui-même disparaissant - qu'est la rencontre de quelque chose qui nous dit ce qui n'entre pas dans un discours.
M. de Certeau
L'astre noir scintille dans le miroir. Tout va La vérité nous est obscure L'homme vient au monde. La nacre est mortelle. Suzanne attendra les vieillards.
0. Mandelstam
Tristia, 1920
Suzanne t'emmène écouter les sirènes
Elle te prend par la main
Pour passer une nuit sans fin
Tu sais qu'elle est à moitié folle
C'est pourquoi tu veux rester
(...)
Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n'as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une flamme brûle dans ton cœur
Sur Notre Dame des Pleurs
Ce qui a résisté — inalliable, inoxydable,
Brûle comme argent féminin.
Et le sobre travail argente
Le fer de la charrue, la voix du poète.
O. Mandelstam
1937