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17 novembre 2008 1 17 /11 /novembre /2008 16:07

 


ÂTMAN

Le Soi hindou est une cosmogonie en lui-même: on pourrait, paraphrasant Deleuze et Guattari, dire qu'"il est un peuplement, et pas une génération"; il présente des facettes multiplement interconnectées, sans notion hiérarchique comme dans le concept psychologique occidental.

 

 

La notion de Moi n'y existe pas (selon Jung le Soi désigne la personne au-delà de ce qu'elle en perçoit, c'est-à-dire le Moi, l'Ego); "Moi" se dirait AHAMKARA en sanscrit, c'est-à-dire illusion du Soi dans le réseau de la MAYA.

 

 

Dans la cosmologie védique (-1200/-700), le dieu ou l'homme primordial (PURUSA) laisse émaner de lui-même, diffuse, une partie de sa substance qui va progressivement générer le monde et ses créatures, incluant le corps humain et l'âme humaine; puis ce Un "émanateur" du monde va pénétrer lui-même son monde et en constituer le soi, l'ÂTMAN ! On est bien dans un modèle d'enveloppement, de contenant-contenu, d'un réseau de limites non linéaires, et la conception du "soi" en Inde est bien éloignée de l"ego" occidental. Les créatures sont alors des répliques de l'émanateur, dont le soi pénètre en eux-mêmes: il y a intrication, lien ombilical, le dieu créateur maintient un lien intime avec sa création; ce lien cosmologique est à la base des notions de KARMA et de SAMSARÂ (le flux d'existence), comme de MAITRI et KARUNA (empathie). Le soi indien "idéal" est cosmique et non individuel; et une relation narcissique va persister entre le créé et le créateur.


Dans l'hindouisme, un vivant (DJÎVA) est caractérisé par l'ÂTMAN et par les organes des sens (INDRIYA): le vivant est un ÂTMAN incarné.


On concourt, selon E. Senart, à une "identification finale, par le principe d'identité (...), de l'ÂTMAN et du BRAHMAN (cet "absolu"), de l'âme humaine et de l'âme du monde, du "Soi" et de l'"Etre en soi".

 

 

 

JÎVA ( synonyme: JÎVÂTMAN; BHÛTÂTMAN) désigne quant à lui le vivant, le principe de vie, l'âme individuelle, le "soi individuel vivant". Essence éternelle et qui communique la vie à d'autres êtres, il désigne dans le Véda "l'effet d'unité" entre le Soi et la matière en elle-même inorganisée, le corps. Mais à un autre pôle, JÎVA peut aussi se référer à la "déchéance" apparente du Soi, enfermé dans la limitation du corps, perte des pouvoirs transcendants, en proie à l'illusion, la souffrance, la mort: l'ÂTMAN se démultiplie faussement en une infinité de JÎVA.

 

 

Le Bhûtâtman est l'objet de la psychologie en médecine âyurvédique; il est l'âme élémentaire, qui rejoindra l'âtman à la mort, lors de la déconnexion des éléments composant le corps; l'aspect dynamique du psychisme est lui assuré par la CETANÂ, fonction structurante du psychisme (équivalent du "ça"?), âtman engagé corporellement dans la réalisation des actes. L'âtman ou soi absolu se manifeste en effet au travers de fonctions vitales telles que CETANÂ (conscience) et MANAS (mental, connecteur des INDRIYA). La CETANÂ est également engagée dans les constructions inconscientes du SAMSKÂRA (voir psychologie médicale âyurvédique).

 

 

 

Si le JÎVA abandonne une branche de l'arbre, elle se dessèche et meurt, mais le JÎVA lui ne meurt jamais

(Chândogya-Upanishad)

 

 

Oscillation entre deux pôles, celui de l'association au corps individuel, de l'âme individuelle, et celui de l'essence du Soi, le JÎVA assure l'unité du destin individuel d'existence en existence, mais ne se fond pas dans l'âtman-brahman lors de la délivrance. Le JÎVA apparaît comme un "compromis" dans le lien cosmique, comparable à l'ambiguité de l'adolescence selon A. Collins: "The adolescent quest brings it own danger to the self (loss of paternal marking, etc...), but is often the only way to achieve the proper distance between self and selfobject to allow the world to go on turning and the JÎVÂTMAN self to prosper or even exist". En d'autres termes, la vision complète de notre origine nous empêcherait d'embrasser le présent, et JÎVÂTMAN est un "lower self" de non-désubjectivation...

 

 

Le Soi est cependant "context-sensitive" et de "profondeur" différente selon les âges de la vie; et il existe des moments privilégiés où il est approprié (oïkeïosis) au monde: la SÂTMYA.

 

 

Si l'on suit A. Collins, notre Soi est intégrateur entre notre exposition au Dieu créateur et notre propre émanation vers nos enfants.

 

 

 

Entre le soi et le cosmos, entre l'ego et l'effondrement, entre l'individu et l'extase, la réponse la plus appropriée se cache derrière la notion de "jivatman" des hindous. Pour Aurobindo le "jivatman" est l'interface entre "l'essence" (divine) qui nous constitue et le moi; et il décrit son yoga presque en terme psychanalytiques: "l'homme n'a pas conscience du soi ou jivatman, il n'a conscience que de son ego, ou bien de l'être mental qui dirige la vie et le corps. Pourtant, en allant plus profondément, il peut prendre conscience de son âme ou de son être psychique comme de son centre véritable (...). Le psychique est l'être central dans l'évolution, il émane du jivatman, partie éternelle du Divin, et il le représente. Dans l'état de pleine conscience, le jivatman et l'être psychique se joignent".


Lacan, dans sa phase topologique, ne recherchait-il pas des noeuds et des trajectoires du soi ???

 

 

 

Le bouddhisme réfute quant-à-lui la présence de l'Atmân  dans le monde ici-bas, régi par la nescience pour les non-éveillés:

 

"We slice the world up into distinct entities and attempt to manipulate the rest of the world for the advantage of what we take to be a separate self; but since the world is not so constructed, inevitably we suffer again and again" (R. H. Jones, Theravâda Buddhism and Morality, J. of Am. Ac. Religion, 1979, 47: 371-87); le bouddhisme apparaît donc plus dualiste (non intrication de l'"âme" et du monde matériel, qui existe mais dont la permanence est une illusion), et l'hindouisme est plus proche d'un monisme spiritualiste (présence de l'âtman dans tous les êtres, en connection téléologique).

 

 


- A. Collins, From Brahma to a blade of Glass. Towards an Indian Self psychology. J. of Indian Philosophy, 19: 143-189, 1991

- M. Hulin, entrée Jîva, le vivant, cf. site Philosophindia de F. Zimmermann, EHESS link

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