21 décembre 2008
7
21
/12
/décembre
/2008
22:37
Notes et réflexions autour du colloque "le droit à la mobilité" organisé par le SSAE,
25 septembre 2008,
le Toit citoyen, Toit de la Grande Arche, Paris
lien
25 septembre 2008,
le Toit citoyen, Toit de la Grande Arche, Paris
lien

Et d'abord, est-ce fuir que de chercher l'horizon ? Se tourner vers ? Je suis monté en capsule dans le toit, et nous nous tournons, voyons cette dimension supranationale, migrations et non immigration: on ne va nulle part, on est. Télescopage des origines et des individus. Oxymore de l'"émigration illégale": la circulation de l'individu est constitutive du sujet, et inscrite dans la déclaration universelle des droits de l'homme. Alors, mille-et-une ruses des dominés. D'abord nous ne sommes plus, Europe, un site migratoire... Dubaï, et plus Marseille... (l'autre qui est en nous). Nous, nous avons déclaré une guerre antiterroriste au migrant, argumentaire populiste pour criminaliser la migration, les personnes en mouvement, les citoyens du monde actifs... L'état-nation, n'ayant plus à se soucier de ses frontières, et ayant perdu l'emprise sur la machine de production, aux mains des capitaux internationaux, se rabat sur le contrôle de ses sujets... "Logique sécuritaire": par définition, la logique est l'interdiction de certains assemblages, au profit d'autres... On détourne des principes fondamentaux, en commençant par ceux des migrants, et puis... Matin brun...: atteintes au droit à la mobilité, au regroupement familial, etc... Nous nous retrouvons tous, par ces restrictions des droits fondamentaux, des complices, des kapos, nous sommes dans la zone grise des camps que décrivait Primo Lévi... Le camp de rétention, ici, le camp de réfugiés, ailleurs, zone grise qui devient une ville où l'on meurt et où l'on nait... "Camps consolidés" du HCR... Réfugiés de troisième, quatrième génération... Et six cent mille à trois millions de personnes seraient exploitées, esclavage, travail sexuel...
Trente sept nations seulement ont ratifié la charte des Nations Unies de 1990 prévoyant la protection internationale de tous les travailleurs migrants et leurs familles (qu'ils soient en situation "régulière" ou "irrégulière")... Et l'Union Européenne est maintenant une excuse facile pour les nations européennes, dont quasiment aucune n'a ratifié ce texte... Union Européenne qui peine à promouvoir la "valeur mobilité" en son sein, et la stigmatise à son extérieur !!! D'ailleurs au sein de l'Europe on ne parle pas de "migration" mais de "déplacement" !! Ambiguïté fondamentale, peur de l'autre: le racisme change de nom, c'est tout, on le légitime en luttant contre un pseudo-terrorisme... On fait des "catégories"... On tourne autour du pot... On a peur du métissage culturel... On ne veut pas de pollution du corps social, le "contrôle médical" instauré à l'immigration de travail dans les années trente s'est étoffé en contrôle ethnique (puisque exercé uniquement en dehors de l'Union Européenne), contrôle linguistique, contrôle financier, etc..., avec les lois Sarkozy-Hortefeux, inspirées, à visée électoraliste, des dogmes racistes du Front National... Au cours de ce colloque, seul deux intervenants, un responsable de la CFDT, et l'association SOLIDAR lien (c'est les tripes qui sont racistes, alors parlons au cerveau) oseront aborder frontalement le problème du racisme sous-jacent... tabou, refoulé, mais bien vivant ! Les valeurs de l'Union Européenne retournent-elles à celles des seigneurs, des camps et de la solution finale...? Ou bien sont-elles "simple calcul de gagnants" ? Un jour l'identité québecoise va se diluer et disparaître, me disait, contrariée, une amie de Montréal... Où sont les Indiens des rapides du Saint-Laurent, déjà ? On est dans une identité quand on s'oppose à l'autre.
Nous sommes de la race de ceux qui sont brûlés dans les crématoires et des gazés de Maïdanek,
nous sommes aussi de la race des nazis.
Fonction égalitaire des crématoires de Büchenwald,
de la faim, des fosses communes de Bergen-Belsen,
dans ces fosses nous avons notre part,
ces squelettes si extraordinairement identiques,
ce sont ceux d'une famille européenne.
Marguerite Duras
(La Douleur)
nous sommes aussi de la race des nazis.
Fonction égalitaire des crématoires de Büchenwald,
de la faim, des fosses communes de Bergen-Belsen,
dans ces fosses nous avons notre part,
ces squelettes si extraordinairement identiques,
ce sont ceux d'une famille européenne.
Marguerite Duras
(La Douleur)
Une jeune algérienne habitant à Montréal avec sa famille: Je suis étrangère partout, mais... plus tu bouges... c'est quand je voyage que je me sens chez moi... Quand on voyage, on peut se tourner vers, et là seulement... La nation est le sédentarisme des esprits fatigués. Vivre, c'est le voyage, trajet physique ou partage culturel, obligé et possible, heureux, vivre c'est une destination. Soixante millions d'hommes sont en situation migratoire. "Se laisser partir à cet événement migratoire" qui nous tenaille et nous constitue (l'exil est corollaire de la vie) n'est pas dénué de danger... Alors, voyager sans migrer ? Le billet de retour dans la poche arrière-droite du pantalon ?
Quel droit à la nationalité ? Elle nous est imposée par la naissance; la Révolution Française voulait la remettre en cause... la migration n'est pas antinomique de la frontière-zone de passage, outil de circulation, mais de la frontière épaisse, grise-brune, mur d'exclusion et de rejet. Les tactiques obligées des migrants, face au droit inique des installés, sont à même, espérons-le, de repousser les limites de ce droit, de déplacer les mailles, voire de les détruire si nos gouvernants persistent dans leur populisme simpliste. Se priver des compétences et des ressources de l'immigration est économiquement suicidaire; et sur le plan de la défense des libertés individuelles, les migrants sont notre signal d'alarme et notre espoir. La fermeture, en alpha et oméga de la politique française et européenne, est une fausse route, chronique d'un échec annoncé. Mais les utopies d'aujourd'hui sont les réalités de demain.
Merci au SSAE qui tente de faire changer ce regard fixe sur le migrant. Mission difficile, car actuellement les pouvoirs publics n'informent pas, n'éduquent pas, ils courent après l'opinion publique.
