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4 octobre 2009 7 04 /10 /octobre /2009 17:32


En route, à pied, vers l'Asile: à St Alban-sur-Limagnole je ne pouvais entrer, au Vignogoul je me suis invité, perdu peut-être, mais entré: il commence à y avoir un dedans et un dehors, un seuil devient possible dans la prise en charge institutionnelle de la psychose. Entrant sous la yourte, celui qui bute sur la solive du seuil perd (littéralement) la tête et rejoint l'esprit du feu; mais le seuil que l'on apprend et que l'on use ramènera avec lui au possible de l'entre-deux mondes: le seuil clive l'inclivé.

(notes et réflexions autour des journées "La création au risque de l'institution", Isadora et Centre psychothérapeutique Saint Martin de Vignogoul, 15 et 16 mai 2009)


  envelopper la déficience et la créativité


Au sein d'un système totalitaire, le système créatif reste tenace. De nombreux artiste brisés, laminés, une création profuse dans l'intimité, loin de l'officiel. La poésie cultive sa sensation interne, croît, croit. Un traumatisme musical s'impose, en maîtrise sur le temps même obligé. Le solitaire s'y retrouve à sa souffrance: arts du cirque, seul jeu possible, ouverture des corps, mais suture partielle au groupe qui accueille cet insolite et construit en retour l'identité de l'artiste-fou. Correspondance à trois: Hannah Arendt, Boris Pasternak, Maria Tsétaïeva. Un peu de chaos en commun avant la mort.
Du chaos intérieur au lieu qui nous enveloppe, embarquons donc pour la beauté et pour l'imaginaire. Nos impasses sont imbriquées, concluent simultanément fous et thérapeutes, disons-les, écrivons-les. Montrons les herbes folles et les résurgences, disons les vagabondes, de cette parole encore indestructible, usons, encore, sans questionnaire, sans DSM4, sans EBM2, mais par rencontre.


Le politique est là où ça parle quand on ne s'y attendait pas, et de la part de ceux à qui on ne s'attendait pas.
Les "politiques" croient à un système binaire "maladie" / "guérison"... Folie commune et normopathie...
De l'"autonomie" des années 70 à l'assujettissement des années 2000...


Des temps propres du patient, des temps du contrat social: pour peu que des lieux cliniques existent dans la cité, marche des marges, interstices d'écoute, forme sans formalisme d'un collectif où il peut se passer des choses pour le sujet. L'intervalle ne peut se résoudre à un lieu unique, le lieu clinique se doit d'être pluriel. Créer, c'est lutter, et hurler: "tu n'es pas fou, tu es seul !" Il y a une logique de la certitude, un risque de l'institution qui doit avoir un certain contenant, mais aussi une éthique de la moindre des choses. Alors, face au déficitaire de la psychose, il y a toujours des ateliers couture, un traitement social de la folie, un enseignement sans parole, et aussi une machine à café: il y a une disposition à l'accueil, qui oeuvre à moindre frais au service public1.


Le psychotique se demande s'il est fou, et demande s'il va mourir; le traumatique est déjà mort et crie qu'il n'est pas fou. Le thérapeute du fou est dans l'inconfort, l'absence de protocole, "il faut douter pour exister"; "vous êtes un résistant, c'est le monde qui est fou", peut-il répondre. Le thérapeute du traumatique est dans le confort: "c'est le bourreau qui vous a tué qui est responsable, pas vous", dit-il.




la douleur est peut-être "externe" à la vie, mais elle est "interne" au vivant

L'étrangeté ressentie au contact de la psychose est parfois difficile à mettre en mots3: est-là une présence, qui entre sur scène, un savoir de l'intervalle, une performance, un "fond de vie" , un "fond de soi" auquel le schizophrène ne peut plus s'accorder, et à rejoindre: par l'art ou par le groupe. Mais un persécuteur, des voix, s'invitent également dans l'intervalle; la place vide est occupée. Le conflit psychique pourra être aménagé mais pas aboli, rendu "suffisamment supportable" (Winnicott), gain d'espace (Freud).

L'analyse n'est pas une conversation: tout s'écoute, remplit l'espace; le transfert ici aussi existe mais il est massif, et il faut le "feuilleter".

 


1. L'exclusion, elle, coûte au service public: coût absurde de la "reconduite des étrangers en situation irrégulière"...
2. "Evidence Based Medicine", celle des "Bonnes Pratiques Cliniques" et des "Accréditations"...
3. Pour R. Marion-Veyron, l'étrangeté et l'invasion éprouvées par le thérapeute au contact du traumatisé ne relèvent pas de l'accès à un "originaire", mais à un concept "ça ou la mort" pour lequel il n'y a pas de mot;  mais au contact du psychotique, quel est ce concept étrange et envahissant pour lequel ni patient ni thérapeute n'ont de mot ?
4. DSM qui, par découpage infini de la vie, tranches de plus en plus fines, fait disparaître la mort, et la douleur. Le fou nié par le DSM, enfermé par le sécuritaire, nous rappellerait que le sujet existe... Le biopolitique, c'est "ne plus vivre pour ne plus mourir".
Souffrance psychique versus "santé mentale"...: le schizophrène et sa douleur fondamentale de l'"Etre au monde" nous rappellent l'illusoire de cet objectif "rique zéro": la douleur est peut-être externe à la vie, mais elle est interne au vivant... 
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