12 février 2009
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20:58
...La réalité n'a aucune importance. Il n'y a que la perception qui compte...
(Laurent Solly
lieutenant de Nicolf Karcher durant sa campagne pour le CA du $ark€land)
Les médias sont aux ordres du système, le blogueur n'est pas forcément aux ordres des médias: un nouveau phénomène de prise de la parole s'amplifie, il "n'obéit pas aux canons de l'information validée par des professionnels mais à la loi du "buzz", autrement dit des bonnes vieilles rumeurs, aujourd'hui véhiculées sur Internet". Rumeurs ? semble se rassurer Le Monde (La réforme de l'éducation face à la loi du "buzz", 13 février 2009)... ou Révolte ? Septième Vague relit (avec ses excuses pour cette irrévérence) M. de Certeau dans l'immédiat post-68:
(Laurent Solly
lieutenant de Nicolf Karcher durant sa campagne pour le CA du $ark€land)
Les médias sont aux ordres du système, le blogueur n'est pas forcément aux ordres des médias: un nouveau phénomène de prise de la parole s'amplifie, il "n'obéit pas aux canons de l'information validée par des professionnels mais à la loi du "buzz", autrement dit des bonnes vieilles rumeurs, aujourd'hui véhiculées sur Internet". Rumeurs ? semble se rassurer Le Monde (La réforme de l'éducation face à la loi du "buzz", 13 février 2009)... ou Révolte ? Septième Vague relit (avec ses excuses pour cette irrévérence) M. de Certeau dans l'immédiat post-68:
En 2009, on a pris a parole sur les blogs comme on a pris la Bastille en 1789. La place-forte qui a été occupée, c'est un réseau détenu par les financiers et les publicitaires et destiné à maintenir la fluidification de l'individu et la non-pensée des sujets d'un système qui leur impose un assouvissement au profit de quelques uns. De la prise de la Bastille à l'investissement du Net, entre ces deux symboles, une différence essentielle caractérise l'événement de 2009: aujourd'hui, c'est l'information prisonnière qui a été libérée.
Ainsi s'affirme, farouche, irrépressible, un droit nouveau, devenu identique au droit d'être un homme, et non plus une éponge des médias vouée à la consommation ou un instrument utile à l'organisation économique d'une entreprise. "Ici, tout le monde à le droit de parler" mais l'internaute refuse de lire qui s'identifie à un groupe de pression ou qui intervient au titre d'une société commerciale: bloguer, ce n'est pas être l'instrument d'une force de pression, d'une vérité neutre et objective, ou d'une conviction tenue d'ailleurs. Des voix jamais entendues se sont exprimées. Il semblait que c'était la première fois. De partout, sortaient les trésors d'expériences jamais dites, en même temps que des discours assurés s'épuisaient et que des "autorités" devenaient inaudibles. Une fois rompu le charme solitaire de la télé à domicile, la consommation menacée, une vie insoupçonnée surgissait.
Certes la prise (usb) de parole a la forme d'un refus. Mais en réalité, elle consiste à dire: "Je ne suis pas une chose". Elle ouvre à chacun ces débats qui surmontent à la fois la barrière des spécialités et celle des milieux sociaux, et qui changent les spectateurs en acteurs. Cette expérience est imprenable.
En mai dernier, on a pris la parole comme on a pris la bastille en 1789. La place forte qui a été occupée, c'est un savoir détenu par les dispensateurs de la culture et destiné à maintenir l'intégration ou l'enfermement des travailleurs étudiants ou ouvriers dans un système qui leur fixe un fonctionnement. De la prise de la Bastille à la prise de la Sorbonne, entre ces deux symboles, une différence essentielle caractérise l'événement du 13 mai 1968: aujourd'hui, c'est la parole prisonnière qui a été libérée.
Ainsi s'affirme, farouche, irrépressible, un droit nouveau, devenu identique au droit d'être un homme, et non plus un client voué à la consommation ou un instrument utile à l'organisation anonyme d'une société. (...) "Ici, tout le monde à le droit de parler". Mais (...) l'assemblée refusait d'entendre qui s'identifiait à une fonction ou qui intervenait au titre d'un groupe caché derrière les dires de l'un de ses membres: parler, ce n'est pas être le "speaker" d'une force de pression, d'une vérité "neutre" et objective, ou d'une conviction tenue d'ailleurs.
(...) des voix jamais entendues nous ont changés (...). Il semblait que c'était la première fois. De partout, sortaient les trésors, endormis ou tacites, d'expériences jamais dites. En même temps que des discours assurés se taisaient et que des "autorités" devenaient silencieuses (...). Une fois (...) rompu le charme solitaire de la télé à domicile, avec la consommation menacée, (...) une vie insoupçonnée surgissait.
Certes, la prise de parole a la forme d'un refus. (...) Mais en réalité, elle consiste à dire: "Je ne suis pas une chose". (...) Elle ouvrait à chacun ces débats qui surmontaient à la fois la barrière des spécialités et celle des milieux sociaux, et qui changeaient les spectateurs en acteurs. (...) Cette expérience est imprenable.
Michel de Certeau
Prendre la parole
La prise de parole et autres écrits politiques
Paris, Seuil, 1994
Ainsi s'affirme, farouche, irrépressible, un droit nouveau, devenu identique au droit d'être un homme, et non plus un client voué à la consommation ou un instrument utile à l'organisation anonyme d'une société. (...) "Ici, tout le monde à le droit de parler". Mais (...) l'assemblée refusait d'entendre qui s'identifiait à une fonction ou qui intervenait au titre d'un groupe caché derrière les dires de l'un de ses membres: parler, ce n'est pas être le "speaker" d'une force de pression, d'une vérité "neutre" et objective, ou d'une conviction tenue d'ailleurs.
(...) des voix jamais entendues nous ont changés (...). Il semblait que c'était la première fois. De partout, sortaient les trésors, endormis ou tacites, d'expériences jamais dites. En même temps que des discours assurés se taisaient et que des "autorités" devenaient silencieuses (...). Une fois (...) rompu le charme solitaire de la télé à domicile, avec la consommation menacée, (...) une vie insoupçonnée surgissait.
Certes, la prise de parole a la forme d'un refus. (...) Mais en réalité, elle consiste à dire: "Je ne suis pas une chose". (...) Elle ouvrait à chacun ces débats qui surmontaient à la fois la barrière des spécialités et celle des milieux sociaux, et qui changeaient les spectateurs en acteurs. (...) Cette expérience est imprenable.
Michel de Certeau
Prendre la parole
La prise de parole et autres écrits politiques
Paris, Seuil, 1994