18 décembre 2008
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1. La nature en prolongement du corps
Le corps vivant est défini comme ÂSRAYA, composé psycho-physique: lieu d'implantation des facultés sensibles (INDRIYA); point d'appui de l'action (KARMAN); point d'appui de la connaissance (VIJNÂNA). Cette notion d'ÂSRAYA déborde les limites du corps individuel: c'est la nature entière comme prolongement de l'organisme corporel; c'est la nature naturée qui contient à la fois des êtres inanimés et des êtres vivants.
L'hylozoïsme jaïniste (conception qui attribue au monde une vie propre, aux êtres inanimés une sorte de vie élémentaire) inspire les textes bouddhiques précoces, qui considèrent les végétaux comme des êtres vivants, mais "borderline" (car ne possédant qu'un sens unique, le toucher), relevant cependant en tant qu'êtres sensibles de l'éthique non-violente, et appartenant au monde samsarique.
Le monde visible, sensible, réalise pour nos organes des sens un dessein qui le transcende (cf. le couplage des éléments et des organes des sens (l'orient et la découverte du cinquième goût: l'umami); la liaison entre les éléments est en continuité avec la liaison de nos organes des sens (cf. le MANÂS, l'esprit, est l'auteur des mondes). Si les êtres à la limite du vivant sont caractérisés par un répertoire de sens réduits, la terre, elle, est caractérisée par une odeur, dans le monde indien, et l'odorat est enveloppant pour les autres sens; comme le végétal réduit au registre du toucher-tact, la terre pourraît être considérée comme un vivant "borderline" par sa capacité à lier l'organe de l'odorat (Ω = log Os)...
Cependant les textes bouddhistes tardifs excluent eux les plantes du domaine de l'AHIMSÂ (non-violence), et les minéraux "a fortiori", ce qui n'exclue pas leur appartenance aux vivants, mais consiste en un "assouplissement" des rituels, dans une visée sociale.
Il nous faudra donc remonter encore, dans notre quête... ( Ω = log Os).
- Ch. Malamoud, La danse des pierres, Paris, Seuil, 2005
- A. Rosu, Les conceptions psychologiques dans les textes médicaux indiens, Paris, 1978
- F. Zimmermann, Généalogie des médecines douces, Paris, PUF, 1995, et link
- O. Lacombe, L'Absolu selon le Vedânta, Paris, Geuthner, 1966
- E. B. Findly, Borderline Beings: Plant Possibilities in Early Buddhism, J. of Am. Or. Soc., 122, 252-63,2002
2. Gaïa: métabolisme et Mâyâ
New Age: ce retour à la révélation de l'unité de l'univers, l'interconnection de tous les éléments qui composent le cosmos, cette vision "holistique" du monde n'est qu'une résurgence, dans la mouvance du mouvement hippie et de la contre-culture aus USA, de l'hylozoïsme jaïniste ou de l'holisme des indiens nord-américain... Cet mode d'appréhension du monde fut renforce par les découvertes de la physique quantique, où les entités séparées et distinctent n'existent plus, n'ont qu'une existence probabiliste, et où le processus magique (stricto sensu, c'est-à-dire qui continue à lier des objets ayant été autrefois en contact) trouve des preuves expérimentales (dans le paradoxe EPR), où pensée et matière deviennent interdépendants (voir le principe d'incertitude d'Heisenberg: les conditions d'examen décidées par le physicien conditionnent les propriétés de la particule observée): le "sujet" et l'"objet" occidentaux retrouvent leur non-distinction originelle ! Cette équivalence entre découvertes de la physique moderne et pensée religieuse orientale sera formalisée par F. Capra en 1974... mais le Phénomène Humain du visionnaire père Teilhard, sous ses apparences de "tours de passe-passe" métaphysiques pour l'époque, était bien proche de cette synthèse.
Mais les "hypothèses Gaïa" se réduisent parfois à un matérialisme métabolique, mécanisme d'autorégulation de la planète considérée comme un seul être vivant. Citons à nouveau l'indianiste F. Zimmermann: "En définitive, cet Univers vivant qui sert de modèle aux vivants sensibles et qui les contient en lui est plus que le monde sensible au sens strict, mais moins que le monde intelligible" (link). Il y a toutes les formes intelligibles et il y a "l'autre du monde" (Ch. Malamoud), un absolu défini négativement (LOKA: clairière blanche, contrepoint du Brahman), au travers de la MÂYÂ.
- F. Monneyron et M. Xiberras, Le monde hippie, Paris, Imago, 2008
- F. Capra, Le Tao de la physique, Paris, sand, 1989
J'ai cru que la matière était une pluie d'atomes,
j'ai traversé à temps sept rangs de voiles
pour échouer sur un navire inconnu.
Pentti Holappa, Les mots longs.
j'ai traversé à temps sept rangs de voiles
pour échouer sur un navire inconnu.
Pentti Holappa, Les mots longs.