Le N° 003 de la Revue de Livres - RdL, heureuse résurrection de la regrettée RiLI Revue des livres et des Idées - fait une recension de quelques ouvrages récents consacrés aux USA à Woody Guthrie, personnalité majeure de la culture populaire et de la politique radicale américaine, chantre brillant et maudit d'une "autre Amérique". Et constate: "Qu'aucun livre en français ne soit à ce jour disponible sur cette figure essentielle est un indice du degré d'insularité de notre culture"...
Woody Guthrie: dans le vent de poussière, le vent de l'exil, un "Okie" tourmenté et extraordinaire, un type un peu crasseux qui joue parfois de la guitare avec les poings, un Beat et un communiste. La chanson folk: des mélodies reprises mais métabolisées, et des anonymes qui ajoutent des couplets, autour d'une table ou sur la route, et des expulsés qui nourrissent le monde. Une chaîne de feu dès le départ, qui tue et qui révolte. Beat generation: la nature n'est pas noire, mais "trouvez l'homme qui profite de la guerre, supprimez son profit, et il n'y aura plus de guerre"1. Un homme brisé et vivant, tellement vivant, jusqu'à sa lente agonie, qui est aussi celle d'une autre Amérique; car après les luttes communistes, viennent avec les Sixties et le Vietnam, la lutte pour les droits civiques et l'émancipation de la jeunesse: c'est aussi la grande fusion du folk song avec les cultures rock et avec la country music; mais les nouvelles idoles ont une icone: Woody Guthrie, réduit au silence sur son lit d'hôpital. 14 juillet 1912- 3 octobre 1967. Folk, protest, talking blues.
Les espaces de liberté ne sont pas forcément ceux que l'on nous présente. Lorsque, aux heures noires du maccarthysme, Woody Guthrie sera lui-même confiné dans un hôpital psychiatrique en raison des symptômes débutants de la maladie neurologique qui devait l'emporter, il s'écriera non sans un lucide humour devant ses amis venus le visiter: "c'est l'endroit le plus libre d'Amérique ! Ici je peux crier "Je suis communiste !" sans que personne n'y trouve à redire !"
1. W. Guthrie, I ain't gonna kill anybody